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Ernst Jünger, les orages d'acier

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« Le destin de peuples entiers était jeté dans la balance ; il s’agissait de l’avenir du monde, j’avais, bien que par la seule intuition, conscience de la gravité de l’heure, et je crois que chacun sentit à ce moment-là fondre tout ce qui en lui était personnel, et que la crainte sortit de lui » Voilà donc toute l’ambition d’Ernst Jünger dans les Orages d’acier : décrire l’homme au milieu d’une guerre en voie de totalitarisation. Publié pour la première fois en langue allemande en 1920, ce roman autobiographique est rédigé à partir de notes prises au front. De ce fait, la fatigue, les émotions, ainsi que la consommation d’alcool continue ne contribuent pas à faire de ce texte un modèle de réalisme. D’autant plus que les notes, rassemblées a posteriori, ont été retravaillées. Cette seconde écriture du roman, se produit directement après-guerre (1918-1920), et donc dans un contexte de défaite allemande, aux enjeux mémoriels particulièrement marqué. Les Orages d’acier s’apparente, par son nationalisme triomphant, aux mémoires d’un vainqueurs dans un monde la défaite. Ce nationalisme, qui structure l’œuvre et la perception de l’auteur, se doit d’être restitué dans les « structures mentales » de la décennie 1900-1910. Ernst Jünger, originaire de la moyenne bourgeoisie du Wurtemberg, est imprégné par les thèses nationalistes de la fin du XIXème siècle. Cultivé et francophile, l’auteur baigne sans doute dans les idées nationalistes qui soutiennent la construction récente de l’Empire allemand  sur les cendres de 1870. L’auteur, mobilisé dès 1914, se rend avec un enthousiasme certain sur les champs de batailles franco-allemands. Cet engagement guerrier, se fait à la fois physiquement et mentalement, c’est bien la confrontation de l’imaginaire guerrier, composé de résidu de 1870, et des guerres coloniales, qui forment une « guerre idéale » aux yeux d’Ernst Jünger, alors âgé de 19 ans. La confrontation entre une violence idéalisée, et violence réelle, complètement opposée à celle imaginée qui soutient à la fois l’intérêt et l’ambiguïté de l’œuvre. C’est bien ce qui invite le lecteur à s’interroger sur la tension entre un récit brutal, réaliste, et l’inconnue d’une expérience nouvelle, qui mobilise à la fois les corps et les esprits, dans une dimension, qui semble ne jamais avoir été atteinte en 1914. Au regard du caractère linéaire et chronologique de l’ouvrage, mais encore de la récurrence de certaines scènes, le choix réalisé ici, consiste en la mise en forme chronologique à la fois du récit, mais aussi des réflexions majeures dégagées par l’auteur. Dans un premier temps, le « baptême du feu » et la découverte de la guerre de tranchée seront abordé. Une seconde partie sera centrée sur la construction de la culture de guerre pendant la phase de tranchée, base pour une troisième partie portant sur la perception de l’environnement et la création d’un « homme nouveau ». Une quatrième partie sera centrée sur le « paroxysme » de la guerre et la « Grande Bataille ». Une conclusion sera proposée sur l’exacerbation de la culture guerrière et la fin du conflit.  

                  Ernst Jünger auteur et personnage principal du roman, s’engage dans une narration chronologique, qui implique, de fait, de narrer sa première rencontre avec l’ennemi[1] qui a lieu à Orainville en Champagne, le 1915. Ce baptême du feu est un topoï fort du journal de guerre. Cette scène est le champ de bataille entre un ennemi imaginé, idéal, et un ennemi réel, à peine perceptible. L’auteur souligne les troubles cinesthésiques provoqués par le combat, mais souligne tout de même quelques éléments caractéristiques d’une guerre nouvelle. L’absence d’un ennemi clairement défini, visible, capable de tuer sans contact visuel, mais encore la présence de la mort, sans les signes qui l’accompagnent, c’est-à-dire, le sang, le combat. L’auteur, en tant qu’officier, issu d’une classe sociale supérieur et cultivée, confronte son imaginaire guerrier qui semble provenir de la guerre de 1870, à celui d’une guerre nouvelle dans ses méthodes. En ce sens, le témoignage d’Ernst Jünger permet de saisir la violence culturelle de la Première Guerre mondiale, qui oppose l’insouciance d’un jeune officier en quête de combat et de gloire, à une guerre dépersonnalisée et industrialisée. La modification de l’hexis du combattant, se perçoit à travers ce premier baptême du feu, mais bien plus encore dans « la vie de tranchée », que l’auteur dépeint pendant les chapitres 2 à 5. Il oppose à cette accélération du temps pendant la bataille, la lenteur et la monotonie de la vie de tranchée[2]. L’exaltation de la bataille est pour l’auteur incontestablement la finalité de la guerre, sa perception s’aligne bien sur la grille de lecture du jeune officier, où le champ de bataille n’est rien d’autre qu’un champ d’honneur. Lors de l’assaut, il note sa surprise lorsqu’il aperçoit les soldats rentrer leurs têtes[3].

La mobilisation culturelle de l’auteur semble s’être déjà produite, avant l’entrée dans le conflit, comme le montre cette perception « chevaleresque » du soldat. La rencontre de cette perception avec l’acclimatation au mode de vie de la tranchée, s’effectue difficilement. Au regard des chapitres portant sur la vie de tranchée, l’auteur est surpris par la rigueur et de l’ordre de la tranchée, de ce travail minutieux et épuisant qu’il doit réaliser chaque jour : terrassement, rangement, ravitaillement… Face à cette existence « barbante », l’auteur souligne l’importance de la communauté des combattants, la force des liens primaires. Il compare même sa tranchée à une caserne en temps de paix. Sentiment qui tranche avec l’apathie du combattant, farouchement opposé à sa vision belliqueuse du soldat. Il se décrit lui-même par une description qui peut rappeler le Dormeur du Val d’Arthur Rimbaud[4]. C’est bien la rencontre entre ces deux perceptions antagonistes qui forge la « culture du guerrier » d’Ernst Jünger.

                  L’omniprésence de la question de l’honneur, à peine caché par l’emploi récurrent du terme « guerrier », au détriment de soldat, combattant et autres synonymes, permet d’envisager l’émergence d’une culture du guerrier, issue d’une tension entre la quête de l’honneur et les contraintes matérielles de la guerre. La disparition de l’assaut au profit de la guerre de tranchée, sert de catalyseur à l’auteur pour envisager une guerre nouvelle. La glorification d’une guerre virile, réalisée par des Hommes, permet de palier à la disparition de la matrice honorifique qu’est l’assaut. De ce fait, ce n’est plus la guerre qui glorifie les hommes, mais les Hommes qui glorifient la guerre par leurs vertus guerrières. « Parmi ces images sanglantes, il régnait une gaieté sauvage, inconnue »[5], c’est bien cette gaieté de l’homme qui ne craint pas la mort, qui fait de la guerre « la seule hygiène du monde »[6]. Ernst Jünger, proche des milieux avant-gardistes, met en valeur sa grille de lecture de la guerre, grille sans doute constituée à partir des théories bellicistes d’avant-guerre.

La virilité est donc la pierre d’achoppement de la culture du guerrier, l’auteur prend un fin plaisir à vanter son courage lors d’expéditions de repérage improvisées. Proche des lignes ennemies, à la recherche du péril, il contribue à véhiculer l’image modèle de l’officier, toujours en première ligne avec ses hommes. L’entretien du lien primaire avec la seule compagnie humaine pendant le conflit, est également essentiel pour envisager la perception de Jünger. Ponctuée de combats et de bombardements, la vie de tranchée impose empiriquement ses conditions aux groupes humains présents en son sein. C’est toujours dans cette logique honorifique que l’auteur mentionne pour la première fois la station couchée, et seulement à la page 40, ce qui peut sembler surprenant pendant la guerre de tranchée. Il semble s’en remettre à l’imitation des soldats qui l’entourent.

Le guerrier semble donc beaucoup voir à travers le regard des autres, et c’est bien ce qui fait de la communauté des guerriers, une « génération du feu » au sens d’Henri Barbusse. La perception de l’auteur, devient progressivement moins personnelle que collective au cours du récit, et c’est bien le symptôme de l’implantation de la culture des tranchées. La communauté entretient également un rapport spécifique avec la hiérarchie. L’auteur, officier, issu des élites de la société allemande, n’hésite aucunement à critiquer ses pairs (« c’est toujours le fantassin qui trinque »[7]). Le poids hiérarchique dénature la pureté du groupe guerrier car il ne participe pas physiquement aux combats. Pourtant c’est bien cette instance qui décerne l’honneur officiel. Ainsi l’auteur offre aux lecteurs une perception duale, car il montre une certaine admiration pour certains hauts gradés, et pour certaines distinctions dont la croix de fer 1ère classe[8].

                  Le récit d’Ernst Jünger porte une attention toute particulière à l’environnement, de manière assez linéaire voir rébarbative dans les sept premiers chapitres. Ainsi, il convient davantage de synthétiser plutôt que d’en décrire mécaniquement le contenu. L’acculturation de Jünger, après s’être produite sur sa vision personnelle du combattant et de la communauté des guerriers, se propage à sa perception de l’environnement extérieur, à la manière d’un changement de focale. L’isolement de la tranchée ne semble pas être anodin dans le développement de cette vision. C’est à l’heure du développement sans précédent de l’Etat interventionniste que l’auteur affirme que « toutes les institutions tombaient en ruine »[9]. A la disparition de ce qu’il est possible de nommer « Ancien monde », la tranchée est décrite comme la nouvelle société civile des guerriers, où s’exerce « sans aide étrangère tous les métiers »[10], et qui s’intègre parfaitement dans la nature de la guerre, comme le montre la métaphore filée, mettant en parallèle la guerre et les aléas naturels[11]. La guerre s’insère progressivement, sous les yeux du lecteur, dans « la nature des choses », avec une perception totalisant du conflit, en d’autres termes, le monde entier n’existe qu’à travers la tranchée.

C’est bien ce regard autocentré qui ronge la crédibilité de l’auteur, couplé à ces démonstrations sur l’honneur guerrier, cela permet de douter de la véracité de certaines actions, d’en intensifier la violence pour magnifier sa personne, et donc engranger un certain capital symbolique. Cette remarque prend sens dans la description de l’habitant de ce « nouveau monde », qui est le guerrier. Ce dernier peut être défini comme un combattant sous tension entre un civisme à la fois lointain, mais encore présent[12], celui qui renie le « coup en traître », qui fait du guerrier un « gentleman combattant », et la barbarie primaire du combat, que l’auteur décrit avec exaltation[13]. La lecture des « Orages d’acier », permet donc d’entrevoir les bouleversements et les continuités dans la perception du combat par les guerriers, avec les limites exposées précédemment.

Cette société nouvelle que décrit longuement l’auteur, à travers ses péripéties guerrières, est fortement hiérarchisée. La distinction entre guerrier se fait sur ce capital symbolique, cet honneur, qu’entretient jalousement l’auteur. La blessure est un grade et le fait d’arme une récompense[14]. La bravoure et la virilité, du moins l’expression de ces « vertus », s’apparentent à la nouvelle méritocratie de la soldatesque, mais aussi de l’officier, car selon Jünger, « c’est depuis l’emplacement le plus dangereux qu’on dispose de la plus haute puissance de commandement »[15].

                  La phase descriptive de l’œuvre prend fin avec le retour à une guerre de mouvement. Les chapitres six à treize sont consacrés à la fin de l’année 1917. Ils occupent donc une place prépondérante (de la page 147 à 372), et marquent un tournant indéniable dans le style de l’auteur. Le retour à la guerre de mouvement, de l’assaut, laisse place aux envolées lyriques, à la glorification de la guerre, un tant déclassée par la première phase plutôt descriptive. Le retour de l’assaut, passe également par l’apparition de références à la germanité. Les nombreuses comparaisons entre les pilleurs des tranchées françaises et des « lansquenets »[16], mais aussi l’avènement de la furor teutonicus[17], souligne la totalisation de la guerre. Cette modification sémantique, démontre l’œuvre de propagande et de la mobilisation culturelle des Etats, qui transforment un enchaînement d’alliances militaires en guerre de civilisation, tout comme l’attachement à la race, à la germanité, très en vogue depuis la fin du XIXème siècle.

L’assaut comme modèle de la germanité, fait place à l’exacerbation de la culture du guerrier, à tel point qu’il est possible d’attribuer à Ernst Jünger des descriptions futuristes, à la limite du surréalisme. Le réalisme de la guerre, les descriptions des violences, mais aussi des blessures, laisse le réalisme à la description d’attributs humains (maisons, corps, animaux…), tandis que les paysages de guerres, les armes, explosions, sont dépeintes à la manière d’un peintre surréalisme. Tantôt la guerre fusionne avec la nature[18], elle galvanise les esprits comme un paysage magnifique. Le « complexe de l’honneur » d’Ernst Jünger prend une tout autre dimension dans cette phase d’attaque, et particulièrement pendant la bataille de la Somme, où ce qu’il nomme « la grande bataille » du 21 mars 1918.

L’assaut massif auquel il prend part, permet à l’auteur de faire coïncider son schéma narratif, un élan patriotique, héroïque sans précédent dans l’ouvrage, mais aussi l’idée d’un combat de civilisation. A la manière d’une épopée, l’intégralité du récit semble tourner pour mettre en valeur ce dénouement, comme si ces trois années de préparatifs « ennuyeuses » n’avaient été faites que pour cette attaque. Cela se traduit par une remise en valeur de l’hexis « d’avant-guerre », avec une glorification du soldat, et une re-personnalisation de la guerre, comme le montrent l’apparition de scènes de duel[19]. L’assaut prend la forme d’une vague immense, un raz-de-marée, mettant à l’œuvre la solidarité de la communauté des guerriers dans la nature de la guerre pour l’honneur de chacun. L’auteur mystifie totalement cette phase, où la fièvre du guerrier semble le rendre invincible, du moins insensible à la douleur. Comme si le temps se cristallisait dans chaque action, le tout rythmé par des actions héroïques décrites à la manière des épopées grecques.

                  L’euphorie de la « grande bataille » prend fin avec une énième blessure de l’auteur, contraint de quitter le champ de bataille, dans une scène épique, transporté à dos d’homme sous les tirs français. Le retour de permission semble constituer une partie distincte des autres. L’auteur change radicalement de manière de percevoir le monde des tranchées. En l’espace d’une dizaine de pages, l’auteur passe d’un combat de civilisation, à l’approche d’une défaite parfaitement probable pour Ernst Jünger[20]. Le ton de l’auteur devient plus dur et plus lugubre, la mention d’une « responsabilité dont l’Etat ne peut nous décharger ; C’est un compte à régler avec nous même »[21], fait basculer les chapitres dans un registre bien éloigné des envolées lyriques de la grande bataille. L’aigreur et l’horreur de la guerre ont-elles atteint l’auteur si profondément ? La description d’un char à la manière d’un « coléoptère géant », qui peut faire penser à Franz Kafka et à sa métamorphose est éloquente quant au dégout que semble éprouver l’auteur pour ce conflit.

Dans cette même optique, l’auteur dépeint la « génération de 18 » comme de « jeunes casse-cou », insouciants, il résume en quelques mots ce qu’il dépeint dans l’intégralité de son œuvre. Si le sujet de la description disparaissait, une ressemblance troublante avec l’auteur lui-même apparait. Ce signe d’extériorité témoigne du recul que prend l’auteur sur lui-même. Cette « génération du feu », qui ne peut qu’être comprise par ses semblables, prend forme lorsqu’un jeune lui fait remarquer qu’il se couche lors de bombardements. Cette scène fait écho à la remarque qu’il fait lui-même au début de l’ouvrage. Ainsi la grande offensive, semble mettre fin à ce processus de construction du « guerrier », « particulièrement dure » pour reprendre les mots de l’auteur.

Le dernier assaut d’Ernst Jünger, qui correspond au dernier chapitre, témoigne d’un dégoût pour une guerre qui lui semble déjà perdue. Le défaitisme de l’auteur prend à contrepied l’interprétation de l’armistice comme surprise pour les Allemands. Cette défaite attendue, qui laisse à l’auteur le sentiment d’aller à l’abattoir lors du dernier assaut, laisse place à un enjeu mémoriel bien plus grand. Cette défaite qui entache la virilité et l’honneur du guerrier est longuement contrebalancée par l’auteur, qui, par une humilité certaine décrit ses médailles et honneurs personnels. Il tente d’inscrire la guerre dans une certaine continuité, comme le montre les récompenses obtenues, mais encore les nombreux souvenirs qu’il laisse à ses frères guerriers[22]. Ainsi, deux lectures peuvent être faites de cet « acte final ». D’une part, l’humilité de l’auteur peut être interprétée comme les paroles d’un guerrier aigri par la défaite, qui tente de reconstituer son patrimoine symbolique, ou encore comme l’aveu d’une certaine forme de « rédemption », comme si l’Etat tentait de faire oublier ces cicatrices que l’auteur mentionnait plus haut.

                  Le roman « Orages d’acier » d’Ernst Jünger apparait donc comme un témoignage essentiel pour comprendre la Grande guerre, l’esprit de ses combattants, mais encore ses conséquences en termes de mobilisation culturelle totale. Comme le soulignait Marc Bloch, la Première Guerre mondiale est une « immense expérience de psychologie sociale », à la fois dans la nature du combat, mais également du traitement de l’information et la communication. Cet ouvrage peut donc tout à fait être une source historique fiable et utilise pour une étude des représentations, à la fois pour ses dires, mais aussi pour ses omissions. Il reste cependant un excellent roman, et cela pour son style, certes lyrique, voire exagéré, mais décrit, la Grande guerre à la manière d’une œuvre de Gino Severini. Ces descriptions, ainsi que la précision de ses détails, le distingue très fortement d’autres ouvrages, comme Le feu d’Henri Barbusse, rédigé dans un style bien plus classique. C’est donc cette tension entre modernité du discours, de l’expression, et le traditionalisme, d’un Ernst Jünger issu des élites allemandes, qui donne son charme à cette œuvre. Le schéma narratif ne laisse poindre de but réel à cette narration qu’à l’approche de la « Grande Bataille », appréhension que l’auteur ne cesse d’attiser par ses descriptions, ses remarques sur un futur qu’il connait déjà. L’auteur lui-même est un fil narratif et un personnage attachant, cette focale très personnelle, ainsi que le nombre de détails permettent réellement l’immersion du lecteur dans un quotidien propre à la guerre de tranchée. Malgré une rédaction postérieure des notes, l’auteur ne semble pas disposer d’un recul suffisant pour entreprendre la création d’un ouvrage plus large, les réflexions sur sa condition restent clairsemées, et laissent réellement place au suspens de la grande bataille. Ainsi, l’ouvrage reste riche en détails utiles à l’historien, quoi que très largement discutable. Il convient donc de conserver une approche particulièrement critique à part des reprises des offensives, car l’auteur semble « s’oublier » dans l’euphorie du combat. Au-delà de son contenu historique, l’ouvrage reste une porte d’entrée formidable pour l’appréhension des sorties de guerre, car rares sont les soldats à avoir confessé aussi clairement l’aveu de la défaite de manière si précoce. Ainsi, dans une étude des représentations de la guerre, et particulièrement des sorties culturelles de la guerre, les « Orages d’acier » permettent d’émettre de nombreuses critiques sur certaines théories, parfois sans nuances. De même, malgré son dégout pour le combat, l’auteur ne fait aucunement preuve de pacifisme, il montre sa détermination à mourir en cas de capture jusqu’aux dernières pages. Ainsi est-il possible d’émettre quelques doutes sur la simplicité d’un lien entre horreur de la guerre et pacifisme. Cet éclairage sur la sortie de guerre allemande, semble donc s’accorder avec l’absence de séparation entre les deux guerres mondiales, comme le soulignait Éric Hobsbawm. L’ouvrage permet d’apporter de nombreux éléments sur la vie de tranchée, la culture de guerre, mais aussi sur la sortie de celle-ci, à condition de mettre à distance, le nationalisme guerrier latent dans l’œuvre, en d’autres termes, dépecer le style qui semble faire le charme de ce roman.

 

[1] Ernst Jünger, Orages d'acier, 1970, traduction de Christian Bourgeois, p°13

[2] Ibid, p°15, lignes 16-17

[3] Ibid,p°11, lignes 15-17

[4] Ibid, p°31, lignes 11-18

[5] Ibid, p°33, lignes 19-21

[6] Filippo Marinetti, Manifeste du futurisme, Le Figaro, 1911

[7] Ibid, p°67, ligne 22

[8] Ibid, p°158, lignes 24-26

[9] IIbid, p°50, lignes 31-32

[10] Ibid, p°50, lignes 14-15

[11] Ibid, p°82, lignes 13-33

[12] Ibid,, p°76, lignes 31-32

[13] Ibid, p°132, lignes 30-34

[14] Ibid, p°118, lignes 20-25 et p°155, lignes 13-19

[15] Ibid, p°132, lignes 14-17

[16] Ibid, page 278, lignes 21-23

[17] Ibid,page 282, lignes 11-12

[18] Ibid, p°82, lignes 13-33

[19] Ibid, p°283, lignes 13-15

[20] Ibid, p°343, lignes 5-27

[21] Ibid, p°318, lignes 11-15

[22] Ibid, p°336, ligne 6

 

Ruben Caboche

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