Discours à la jeunesse
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Claude Joseph Vernet, A Calm at a Mediterranean Port , Oil on canvas, 1770
Librement inspiré du discours à la jeunesse de Jean Jaurès. (1903)
A la jeunesse assoupie, j’adresse aujourd’hui un message d’espoir. Tapi dans l’ombre, l’optimisme se fait discret et son chant suave ne parvient plus aux oreilles des hommes endormis. Une partie de la jeunesse se livre au hasard journalier de ses désirs et se laisse dériver sur un radeau au gré des évènements. Où sont-ils, les jours où la France à la tête du concert des nations se levait comme un astre céleste et inondait la terre de son rayon humaniste ? Je connais mon pays. Je vois qu’il sombre dans le pessimisme et qu’il doute de sa force. Et pourtant, je sais profondément qu’il y a des entreprises que seule la France est capable de concevoir. Parfois, il survient quelque occasion qui la tire de son apathie et pousse son peuple sur le pavé rocailleux des villes millénaires. Dans ces élans sublimes de communion, on sent comme un souffle envoutant qui traverse la foule et déverse son haleine chaude sur des cœurs ivres de changements. De toutes les maisons, toutes les rues, tous les villages, on entend le cri de la jeunesse s’élever tel le bruit assourdissant d’un feu d’artifice au mille voix. La foudre circule en ses veines et la porte à esquisser de grands desseins. Elle s’élance alors à l’assaut de paysages inconnus trépidant d’impatience quant à sa future découverte. Tel est le cycle des révolutions qui sublime les hommes et emporte toutes les traditions dans son mouvement créateur. Non, les chants désespérés ne sont pas les plus beaux ! Jeunesse, ne laisse pas les noirs séraphins, ces princes des ténèbres te lancer leur souffle mélancolique ! Ne cède pas aux chocs de leurs ailes funèbres qui déracinent tout sur leur passage ! Jeunesse, comme l’oiseau de feu, surgis de tes cendres et déploie tes ailes pourpres teintées d’or à travers le ciel ! Dans la voûte céleste, fais entendre ta voix de bronze comme Stentor jadis ! Abreuve-toi sans discontinuer du liquide qui s’échappe de la fontaine d’espérance ! Enivre-toi de succès pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps courber ton dos ! L’audace renferme en soi génie, pouvoir et magie ! Selon ton souhait, jette ton dévolu sur la brulante Afrique, la langoureuse Asie, l’euphorique Amérique ou bien la sage Europe, mais pars tant que tes jambes vigoureuses et que la fraicheur de l’âge te le permette ! Le monde moderne a besoin d’esprit entreprenants qui exportent la raison et la connaissance à travers les âges et les espaces. L’économie, viciée par les instincts d’hommes fascinés par les métaux étincelants manque de cœurs passionnés par l’innovation. La politique, traversée par des conflits destructeurs est en son hiver. L’immobilisme est roi et ce, des hauts fonctionnaires repus par leurs privilèges jusqu’aux candidats qui s’érigent en prophètes mais s’époumonent dans un langage illisible. Se comportant en bergers avec leurs moutons, les hommes politiques sont indifférents au sort du peuple. Il semblerait qu’à ceux qui ne voient pas le mal, n’entendent pas le mal, ne disent pas le mal soit donnée la grâce présidentielle depuis des années. Rien ne trouble cette routine infernale qui ronge la confiance comme un poison insidieux. Alors dans le marasme ambiant, ose ! Jeunesse, ne sers plus aveuglément la tête sous le joug ! Les opportunités sont infinies, écoute. Entends-tu ici le bruit du fer rouge que l’on tape au marteau ? Entends-tu là le bruit de la pierre qui craque et vole en éclat sous la pression du ciseau à bois ? Partout, des hommes s’affairent ardemment à construire l’avenir. Suis le conseil des poètes , Sculpte, lime ,cisèle ! Que ton rêve flottant se scelle dans le bloc résistant ! Peu importe si à la fin de ton périple tes poches sont vides ! Peu importe si ton corps est avachi comme l’arbre d’hiver fourbu à qui on a enlevé sa parure émeraude ! Car ce qui comptera, au soir de ta mort, c’est que ton cœur valeureux ait participé à la résistance. Tant d’esprits esseulés sont en lutte avec le froid glacial de la mélancolie, et désespérés de n’avoir pu réaliser leurs rêves, s’éteignent sans n’avoir rien accompli de grand ou d’estimable. Alors jeunesse, ne cède pas au pessimisme ambiant. Et n'oublie jamais, même dans tes heures les plus sombres : Notre héritage n'est précédé d'aucun testament." !
Antoine Guéneau