Paul Eluard : le visage de la paix
I Je connais tous les lieux où la colombe loge Et le plus naturel est la tête de l’homme. II L’amour de la justice et de la liberté A produit un fruit merveilleux Un fruit qui ne se gâte point Car il a le goût du bonheur. III Que la terre produise que la terre fleurisse Que la chair et le sang vivants Ne soient jamais sacrifiés. IV Que le visage humain connaisse L’utilité de la beauté Sous l’aile de la réflexion. V Pour tous du pain pour tous des roses Nous avons tous prêté serment Nous marchons à pas de géant Et la route n’est pas si longue. VI Nous fuirons le repos nous fuirons le sommeil Nous prendrons de vitesse l’aube et le printemps Et nous préparerons des jours et des saisons À la mesure de nos rêves. VII La blanche illumination De croire tout le bien possible. VIII L’homme en proie à la paix se couronne d’espoir. IX L’homme en proie à la paix a toujours un sourire Après tous les combats pour qui le lui demande. X Feu fertile des grains des mains et des paroles Un feu de joie s’allume et chaque cœur a chaud. XI Vaincre s’appuie sur la fraternité. XII Grandir est sans limites. XIII Chacun sera vainqueur. XIV La sagesse pend au plafond Et son regard tombe du front comme une lampe de cristal. XV La lumière descend lentement sur la terre Du front le plus ancien elle passe au sourire Des enfants délivrés de la crainte des chaînes. XVI Dire que si longtemps l’homme a fait peur à l’homme Et fait peur aux oiseaux qu’il portait dans sa tête. XVII Après avoir lavé son visage au soleil L’homme a besoin de vivre Besoin de faire vivre et il s’unit d’amour S’unit à l’avenir. XVIII Mon bonheur c’est notre bonheur Mon soleil c’est notre soleil Nous nous partageons la vie L’espace et le temps sont à tous. XIX L’amour est au travail il est infatigable. XX C’est en mil neuf cent dix sept Et nous gardons l’intelligence De notre délivrance. XXI Nous avons inventé autrui Comme autrui nous a inventé Nous avions besoin l’un de l’autre. XXII Comme un oiseau volant a confiance en ses ailes Nous savons où nous mène notre main tendue Vers notre frère. XXIII Nous allons combler l’innocence De la force qui si longtemps Nous a manqué Nous ne serons jamais plus seuls. XXIV Nos chansons appellent la paix Et nos réponses sont des actes pour la paix. XXV Ce n’est pas le naufrage c’est notre désir Qui est fatal et c’est la paix qui est inévitable. XXVI L’architecture de la paix Repose sur le monde entier.
XXVII Ouvre tes ailes beau visage Impose au monde d’être sage Puisque nous devenons réels. XXVIII Nous devenons réels ensemble par l’effort Par notre volonté de dissoudre les ombres Dans le cours fulgurant d’une clarté nouvelle. XXIX La force deviendra de plus en plus légère Nous respirerons mieux nous chanterons plus haut.